Les enjeux de la nouvelle Directive Européenne encadrant la qualité des eaux destinées à la consommation humaine

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Protection, information, confiance du consommateur...
La directive européenne relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (EDCH) se donne comme objectif central de fixer le cadre le plus adapté pour «protéger la santé des personnes des effets néfastes de la contamination des EDCH en garantissant la salubrité et la propreté de celles-ci».
Après 3 ans de négociations entre les instances européennes (Commission européenne, Conseil de l’Union européenne, Parlement européen), une nouvelle directive eau potable a été publiée il y a deux ans, en décembre 2020. Cette révision s’est inscrite dans le prolongement de la 1ère initiative citoyenne européenne «L’eau, un droit humain» («Right2Water»).

Mais, quels vont en être les principaux apports?

Cette évolution de la directive, notamment construite sur la base de l’évaluation effectuée dans le cadre du programme REFIT («drinking water REFIT»), de recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et d’une analyse d’impact, propose 5 grands objectifs convergents destinés à améliorer encore la sécurité sanitaire de l’eau et la confiance du consommateur.

L’adjonction de nouvelles normes de qualité et la révision d’autres…

…déjà produit alimentaire le plus contrôlé, encadrée par de nombreuses normes de qualité, l’eau du robinet voit donc 18 nouveaux paramètres microbiologiques et chimiques venir encadrer son périmètre de contrôle afin de mieux protéger encore la santé du consommateur.

Les nouvelles normes concernent notamment :

  • les sous-produits de la désinfection : chlorates, chlorites, acides haloacétiques,
  • les composés perfluorés,
  • le bisphénol A,
  • l’uranium chimique,
  • les microcystines.

 

D’autres normes existantes ont été ré-évaluées en fonction de l’évolution des connaissances : certaines ont été relevées (antimoine, bore, sélénium), d’autres abaissées (plomb, chrome) ou précisées (métabolites de pesticides). La directive prévoit également une prise en compte des Légionelles dans les réseaux intérieurs des bâtiments prioritaires.

La mise en place d’un contrôle avec une approche basée sur les risques…

La directive installe l’obligation de la mise en place d’un plan de gestion de la sécurité sanitaire des eaux (PGSSE). Cette approche permet d’identifier les dangers et événements dangereux susceptibles de se produire sur l’ensemble du système de production et de distribution d’eau, de la ressource en eau au robinet du consommateur, et de mettre en place un plan de mesures de maîtrise des risques le plus adapté possible. Elle vise à assurer en permanence la sécurité sanitaire de l’eau.

Le renforcement des exigences en matière de matériaux au contact de l’eau…

Afin de mieux protéger le consommateur, les exigences en matière de matériaux au contact de l’eau sont largement précisées et renforcées : règles d’hygiène pour les matériaux entrant au contact de l’eau, mise en place de méthode d’évaluation des matériaux.

L’amélioration de l’accès à l’eau pour tous…

En réponse à l’initiative citoyenne européenne, la directive insiste donc sur la question de l’accès à l’eau pour tous en donnant aux Etats membres des obligations pour mettre en place des mesures : identification des personnes n’ayant pas accès à l’eau potable, mise en place d’actions favorisant l’utilisation d’eau potable dans les lieux publics (administrations, bâtiments publics…) afin de rendre effectif ce droit d’accès à l’eau pour les populations vulnérables et marginalisées.

Le renforcement de l’information sur la qualité de l’eau…

La directive vise à l’installation d’une information toujours plus complète et transparente sur la qualité de l’eau pour le consommateur européen, pour améliorer encore sa confiance en l’eau du robinet.

Les états membres sont ainsi, par exemple, appelés à offrir aux citoyens un espace en ligne sur lequel seront mises à disposition des informations relatives à la qualité et à la fourniture d’eau potable dans leur lieu de résidence.

Un objectif affirmé : réduire la consommation d’eau en bouteille et promouvoir la consommation d’eau du robinet.

Quelques autres évolutions peuvent être soulignées :

  • Concernant les dérogations pour encadrer certaines non-conformités…
    Si la directive conserve le principe de la dérogation dans le cadre de situations de non-conformités réglementaires, elle va vers une limitation de leur utilisation à certaines situations : nouvelle ressource en eau, nouvelle source de pollution détectée au niveau de la ressource utilisée pour la production d’EDCH ou paramètre nouvellement recherché et détecté, situation inattendue et exceptionnelle dans une ressource en eau d’ores et déjà utilisée menant à une non-conformité limitée dans le temps. Une dérogation ne pourra être renouvelée qu’une seule fois.
  • Mise en place d’un mécanisme de vigilance pour prendre en compte davantage de paramètres
    Au-delà du dispositif de conformité, de contrôle des normes de qualité définies pour l’eau potable, la directive recommande l’organisation d’un suivi et la mise en place de travaux de recherche sur d’autres paramètres d’intérêt et notamment ceux qualifiés «d’émergents» : perturbateurs endocriniens, médicaments, microplastiques…

Toutes ces mesures sont donc maintenant transposées en droit national avec une date butoir au 12 janvier 2023. Des délais supplémentaires sont cependant prévus par exemple pour la mise en conformité vis-à-vis des nouveaux paramètres, pour la mise en œuvre des premiers PGSSE et pour la transmission de certaines données à la Commission européenne.

Autant de nouvelles dispositions allant dans le sens d’une meilleure protection du consommateur, de l’amélioration de son information et donc de sa confiance en ce produit qui l’accompagne au quotidien : l’eau du robinet.

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Philippe Beaulieu

Médecin, Responsable du département Qualité-Santé du C.I.eau

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