Quels traitements sophistiqués pour rendre l’eau potable ?

Quels traitements sophistiqués pour rendre l’eau potable ?
Faisons le point sur l'ensemble des techniques existantes
Disposer d'eau potable 24H/24, à domicile, nécessite inévitablement de multiples étapes pour l'acheminer et garantir sa qualité. Ce confort de vie exige un réel savoir-faire et utilise des technologies très avancées. Vous souhaitez connaître les traitements que l'eau doit subir ? Ici, découvrez tout ce qu'il y a à savoir !

Des traitements multiples adaptés à la qualité de la ressource en eau

Surveillée et protégée, la ressource en eau, recueillie à partir de différents captages, ne représente qu’une matière première qui va être transformée pour devenir conforme aux normes définies par la réglementation. C’est ainsi le rôle des chaînes de traitement mises en œuvre par les entreprises de service de l’eau. Les traitements de l’eau doivent être évolutifs pour suivre les éventuels changements des caractéristiques de la ressource ou le renforcement de l’exigence des normes encadrant la qualité de l’eau distribuée.

Il est audacieux de chercher à décrire de façon simple et complète les divers traitements de l’eau potable. En effet, il existe autant de procédés élémentaires de traitement que de combinaisons. On peut cependant proposer une classification générale des procédés de base et une description des étapes les plus courantes du traitement.

Classement des différents procédés de base :

  • physiques (dégrillage, tamisage, décantation, filtration, flottation)
  • physico-chimiques (coagulation/floculation)
  • chimiques (oxydation, échange d’ion sur résine, procédés de neutralisation ou d’acidification)
  • biologiques (cultures bactériennes appropriées)

ZOOM SUR… les traitements de l'eau potable

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Description des étapes les plus courantes du traitement.

1) CAPTAGE
Captage puis acheminement jusqu’à l’usine de potabilisation.
2) DÉGRILLAGE
Passage à travers des grilles pour arrêter les corps flottants et les gros déchets.
3) TAMISAGE
Filtrage plus fin destiné à arrêter les déchets plus petits, sable, plancton…
4) FLOCULATION – DÉCANTATION
Déversage d’un produit coagulant pour regrouper les impuretés en petits paquets (les flocs) et éliminer 90% les matières en suspension.
5) FILTRATION
Filtrage des particules en suspension invisibles mais encore présentes, réalisé sur des matériaux classiques (sable) ou adsorbants (charbon actifs en grain ou en poudre).
Certaines installations utilisent des membranes capables de filtrer les particules d’une taille infime (microfiltration, ultrafiltration, nanofiltration).
6) DÉSINFECTION – OZONATION
Neutralisation de virus et bactéries pathogènes puis injection d’ozone (gaz). Parfois, on utilise les ultraviolets.
7) TRAITEMENT SPÉCIFIQUE
Adsorption sur charbon actif. Traitement d’affinage permettant d’éliminer les matières organiques et améliorant les qualités organoleptiques de l’eau (saveur, odeur, limpidité).
8) CHLORATION
Ajout d’une infime quantité de chlore pour préserver la qualité de l’eau tout au long de son parcours dans les canalisations pour atteindre les robinets.
9) STOCKAGE
Une fois rendue potable, l’eau est envoyée dans des réservoirs où elle est stockée avant d’être acheminée par un réseau de canalisations souterraines dans les habitations.

Des prétraitements pour éliminer un maximum de déchets

Une pré-décantation est parfois nécessaire pour les eaux particulièrement chargées. Cette action permet alors de séparer les matières en suspension (argile, limons…).

La préoxydation, ou oxydation par l’ozone, permet de :

  • éliminer l’azote ammoniacal, le fer et le manganèse
  • réduire les goûts, les couleurs et les odeurs
  • améliorer les performances du traitement ultérieur de clarification
  • maintenir la propreté des installations.

Clarification : indispensable pour les eaux provenant de plateaux calcaires

Qu’il s’agisse d’eaux de surface ou souterraines, cette étape assure l’élimination des particules en suspension (sable, limon, débris organiques…), des matières colloïdales (argiles fines, bactéries…) et d’une partie des matières dissoutes (matières organiques, sels…).

Les différents procédés de la clarification :

  • La coagulation-floculation : l’adjonction d’un coagulant provoque la déstabilisation des colloïdes (particules solides de si petite taille qu’elles se répartissent de façon homogène) et forme des agrégats de taille suffisante pour être séparés de l’eau. Les réactifs utilisés sont le sulfate d’alumine, le chlorure ferrique ou le sulfate ferreux. La floculation, elle, a pour objectif d’accroître la cohésion des particules par agitation de l’eau et conduit à la formation d’amas de plus en plus volumineux appelés « flocs »
  • La séparation solide/liquide par décantation ou flottation : l’extraction des flocs se fait soit par décantation ou à l’inverse par flottation. Ils sont ensuite récupérés par raclage.
  • La filtration : c’est l’élimination des particules invisibles, en suspension. Elle s’effectue le plus souvent sur une couche de sable et sera d’autant plus efficace que les grains seront fins. L’usage d’une couche de sable très fin, permet un écoulement plus lent pour favoriser le développement d’un biofilm (voile d’algues ou de bactéries) à la surface du sable. L’activité épuratrice de ce bio film permet la dégradation de la matière organique.

L'affinage, pour éliminer les matières organiques

Ces traitements améliorent les qualités organoleptiques de l’eau (saveur, odeur, limpidité) :

  • L’adsorption sur charbon actif : phénomène par lequel des molécules de gaz ou de liquides se fixent sur les surfaces. Les charbons actifs sont capables de fixer les composés organiques dissous qui ont échappé aux traitements physico-chimiques ainsi que certains micropolluants (hydrocarbures, pesticides, métaux lourds…) On les obtient par traitement spécial de charbons naturels (anthracite, tourbe) ou de végétaux (bois, noix de coco)
  • Le stripping : application d’un contre-courant de gaz d’entraînement pour extraire les gaz dissous dans l’eau et retenir les composés volatils (benzène, trihalométhane, composés soufrés responsables d’odeurs…)

Filtration par membranes : en complément ou remplacement de la clarification

L’eau circule sous pression à travers des membranes, constituées de longues fibres creuses et poreuses d’1 mm de diamètre sur 1,30 m de long et assemblées en faisceaux dans une cartouche cylindrique. Elles peuvent être de nature organique (polymère de synthèse) ou de nature minérale (type céramique).

Il existe quatre procédés membranaires classés selon le diamètre des pores sur les parois des fibres :

  • Les membranes de microfiltration (de l’ordre de 100 nanomètres) permettent la rétention des bactéries, des parasites, des levures, des particules à l’origine de la turbidité (eau trouble en raison de matières en suspension).
  • Les membranes d’ultrafiltration (de l’ordre de 10 nanomètres) arrêtent en plus les virus, les colloïdes.
  • Les membranes de nano filtration (de l’ordre de 1 nanomètre) retiennent le calcium et la plupart des pesticides.
  • Les membranes plus denses (de l’ordre de 0,1 nanomètre) stoppent aussi les ions métalliques. Cette dernière technique est appliquée au dessalement de l’eau de mer et à la production d’eau ultra pure et d’eau de processus.

La désinfection : pour neutraliser les virus et bactéries pathogènes

Commune à tous les traitements de l’eau, la désinfection est réalisée par des agents désinfectants (chlore, dioxine de chlore ou ozone), par traitement aux ultra-violets ou par procédés physiques comme la filtration sur membranes. Comparée au chlore, l’ozone permet une bonne désinfection, sans risque de sous-produits chlorés ni de défaut de goût, mais il n’est pas pérenne. Une fois traitée, l’eau doit voyager dans les canalisations pour atteindre les robinets. Si aucune désinfection finale n’était prévue, la qualité de l’eau du robinet pourrait se dégrader. C’est pourquoi on ajoute une infime quantité de chlore (équivalente à une goutte pour 1000 litres) pour détruire les dernières bactéries et préserver la qualité de l’eau tout au long de son parcours dans les canalisations.

Le traitement final prend également en compte la protection des réseaux et des tuyauteries. La mise à l’équilibre calco-carbonique permet d’éviter les problèmes d’entartrage ou de corrosion des tuyauteries, l’eau doit être la plus proche possible de l’équilibre en bicarbonate de calcium, CO2 et carbonate de calcium. Les eaux insuffisamment minéralisées dites agressives sont neutralisées ou reminéralisées. Alors que les eaux trop minéralisées dites incrustantes sont soumises à une décarbonatation.

Les traitements spécifiques de l’eau potable pour éliminer les derniers polluants

Alors que la majorité des polluants visés par les normes de qualité de l’eau du robinet sont éliminés à l’une ou l’autre des étapes du traitement, d’autres exigent cependant des traitements spécifiques.

Les métaux lourds

La plupart des métaux lourds trouvés dans les ressources en eau proviennent des rejets industriels excepté le fer et le manganèse présents dans la nature. Généralement présents sous forme ionique, ils sont liés à des matières organiques. Pour les éliminer au cours de la phase de décantation/filtration, il faut les rendre insolubles. A cet effet, la technique utilisée consiste à augmenter le pH avant filtration en même temps qu’on utilise un oxydant afin de les transformer en hydrates insolubles. Le chrome exige une étape supplémentaire de traitement pour passer sous sa forme insoluble et être éliminé.

Le fer et le manganèse

Ces métaux, dont la présence est la plus fréquente, notamment dans les eaux souterraines, font de plus en plus fréquemment l’objet d’un traitement biologique, fondé sur la capacité de certaines bactéries à produire des enzymes qui favorisent l’oxydation de ces métaux par l’oxygène de l’air. Cette oxydation permet de les éliminer par décantation ou par filtration.

L’ammonium

Cet ion a pour origine la décomposition naturelle des matières organiques d’une part et l’emploi d’engrais d’autre part.

Les différents procédés de traitement homologués par le ministère de la santé :

  • Dénitratation par résines échangeuses d’ions : l’eau à traiter traverse des résines. Les ions nitrates sont échangés par des ions chlorures fixés sur la résine. L’eau dénitratée est mélangée à de l’eau brute dans une proportion qui permet de respecter les objectifs de qualité ;
  • Dénitrification biologique : elle utilise des micro-organismes cultivés en usine et qui agissent comme dans le milieu naturel, en transformant les nitrates en azote gazeux.

La famille des triazines

Parmi les très nombreux pesticides utilisés par l’agriculture (mais aussi par les particuliers, les collectivités locales…), les pesticides azotés de la famille des triazines sont les plus préoccupants. Les traitements « classiques » éliminent 50 % de l’atrazine (pourtant interdite depuis 2003) et de la simazine. Pour atteindre le taux fixé par les normes, il faut recourir à des traitements spécifiques. On élimine ces pesticides en les traitant soit par adsorption sur charbon actif.

Les micropolluants organiques

Cette catégorie comprend notamment les solvants chlorés, comme le trichloréthylène par exemple, et les hydrocarbures. Deux groupes de procédés sont utilisés pour les éliminer :

  • Le « stripping » (ou aération forcée des molécules volatiles) consiste à transférer dans l’air les composés organiques devenus volatils. Cette opération peut être effectuée en simple cuve d’aération, mais on obtient de meilleurs résultats dans un appareil spécifique, nommé tour d’aération. L’air ainsi chargé d’éléments indésirables est ensuite filtré avant d’être rejeté dans l’atmosphère ;
  • L’adsorption sur charbon actif (en poudre avant la phase de floculation, en grains comme matériau filtrant), qui permet d’éliminer un plus grand nombre de micropolluants que le stripping, mais dont le coût est supérieur.
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Marillys Macé

Directrice générale du Centre d’information sur l’eau, dont la vocation est d'apporter des connaissances pédagogiques sur l'eau distribuée et sur la gestion de l'eau en France, d'analyser les comportements des consommateurs et d'analyser le discours des médias.

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